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Marthe Bonnard. Vera Broïdo et Dina Vierny. Les égéries !

Les égéries ont toujours occupé une place essentielle dans la vie des artistes. Marthe Bonnard, Dina Vierny et Vera Broïdo sont à cet égard emblématiques.

Marthe Bonnard. Vera Broïdo et Dina Vierny. Les égéries !

Les égéries ont toujours occupé une place essentielle dans la vie des artistes. Marthe Bonnard, Dina Vierny et Vera Broïdo sont à cet égard emblématiques.

Maria Boursin, Marthe de Méligny épouse Marthe Bonnard, omniprésente et éternellement jeune

Marthe de Méligny, pseudonyme que Maria Boursin se donna spontanément lors de sa première rencontre, à l'automne 1893, avec son futur époux, fut durant une cinquantaine d’années le modèle presque exclusif du peintre Pierre Bonnard .

De caractère farouche, d’une santé fragile, mal à l’aise dans le milieu de l’art, se vivant probablement comme une "transfuge de classe", Marthe se replia progressivement dans une sorte de réclusion domestique. Pierre Bonnard l’accompagna dans cet isolement en y dérogeant qu’exceptionnellement.

Il peint son épouse et donc égérie (le mariage eut lieu 32 ans après leur première rencontre, révélant par la même occasion l’identité exacte de sa compagne) dans une très grande quantité de ses œuvres. Elle apparaît fréquemment nue, à sa toilette, transfigurée dans une image de perpétuelle jeunesse, son visage est souvent dissimulé. Elle est indifférente ou repliée ou occupée à elle-même.

Le peintre du Cannet dépeignait avant tout la lumière et son rendu, la sensation, la figure n’est par conséquent pour lui que secondaire, c’est pourquoi Marthe est comme immergée, absorbée par le motif, bien qu’elle habite obstinément nombre de toiles, parfois sans autre nécessité que d’être présente, de marquer subrepticement de son empreinte l’espace pictural.



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Pierre Bonnard, « Nue à contre-jour », 1908.

Egérie : Dina Vierny le modèle indissociable de Maillol

Dina Vierny fut un des modèles du sculpteur Maillol qui l’a soutenu jusqu’à son dernier souffle. Fille d’une famille d’exilés russes de confession juive, dont le père périt dans les camps de la mort, elle connut une vie mouvementée et romanesque. Issue de la bourgeoisie et entourée d’une famille étendue parfois fortunée, elle bénéficia d’une excellente éducation.

Elle rencontra Maillol en 1934 par l’entremise de Dondel un architecte ami de son père. Elle n’avait alors que 15 ans. Le sculpteur voyait en elle l’image vivante de son travail, ce qui l’encouragea à reprendre, à soixante-treize ans, la sculpture qu’il avait délaissée. La collaboration entre Maillol et son égérie dura dix ans jusqu’à la mort de l’artiste, qui la désigna comme exécuteur universel. En 1972, L’unique héritier de Maillol la fit légataire universel, ce qui permit à l’ancien modèle, devenue entre-temps galeriste, de créer la Fondation Dina Vierny et d’ouvrir en 1995 le musée Maillol.

Dans les années 1930 elle fut la compagne de Pierre Jamet, un photographe qui fit d’elle des portraits dont certains assez fameux à l’époque, notamment une image de Dina Vierny en gros godillots faisant la route. Cette photographie devint emblématique du Front populaire dont le modèle de Maillol se sentait proche, se définissant elle-même comme anticommuniste mais néanmoins socialiste révolutionnaire. Les images les plus connues de Dina Vierny en nudiste, randonnée ou camping ont été prises, majoritairement, par Pierre Jamet.

En 1943 sur un malentendu, alors qu’elle loge dans le même hôtel qu’un antifasciste italien, elle est arrêtée et soupçonnée d’espionnage. Incarcérée pour 6 mois à Fresnes, subissant des interrogatoires de la Gestapo et du Contre-espionnage, elle sera libérée grâce à l’intervention de Maillol et de l’artiste Arno Breker sculpteur officiel du régime nazi. Ensuite, après la libération, Dina Vierny connaîtra une existence moins agitée en dirigeant notamment sa galerie d’art et en mettant sur pied le musée Maillol et sa propre fondation.

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L’Air, posé par Dina Vierny.
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Egérie : Vera Broïdo, l’indomptable maîtresse du Dadasophe

Vera Broïdo est née en 1907 à Saint Petersbourg, fille de parents juifs, lesquels étaient d’importants dirigeants Menshevik. Sa mère Eva Broïdo fut condamnée à l’exil par le Tsar durant l’année 1914, le reste de la famille dû, dés lors, fuir en Allemagne afin d’échapper aux persécutions.

Vers la fin des années 1920 Vera Broïdo rencontre Raoul Hausmann, un des instigateurs du mouvement Dada en Allemagne. Elle devient sa maîtresse et son égérie dans une relation à trois avec Hedwig Mankiewitz la femme légitime de l’artiste dadaïste. A Berlin elle fréquente les amis du Dadasophe, Kurt Schwitters, Hans Richter, Johannes Baader ou Hannah Höch.

Vera Broïdo de 21 années la cadette de Raoul Hausmann n’était pas pour autant une jeune femme soumise. Elle entretenait avec l’artiste de la sensorialité excentrique (voir notre article) une relation orageuse se rebellant constamment contre l’égocentrisme et l’autoritarisme de son amant. Elle confia néanmoins à son fils Nik Cohn que les séjours avec le couple sur l’île de Sylt et plus tard Ibiza étaient parmi les moments les plus heureux de sa vie. C’est là que Raoul Hausmann a réalisé les clichés fulgurants de la jeune femme à l’air farouche, rebelle mais éminemment présente sans la moindre retenue, dépouillée de tout artifice. Raoul Hausmann en tant que Dadaïste rejetait absolument toute recherche esthétique. Il cherchait à exprimer un art qui soit un mode de vie, une forme excentrée d’être au monde. Cette approche trouve en Vera Broïdo, sa vitalité sans entrave et son esprit de rébellion, une occasion parfaite de se développer pleinement.

Après sept années d’une relation essaimée, de la part de Raoul Hausmann, de crises de jalousie et d’une volonté constante d’imposer son emprise intellectuelle et morale, Vera Broïdo fuit, en plein nuit, d’Ibiza avec l’aide d’un insulaire enamouré du nom d’Antonio. Elle rejoint Barcelone puis Londres et ne revit plus jamais son amant, envers qui elle garda une certaine rancœur tout en lui reconnaissant d’immenses qualités artistiques.

Elle mena après ces années de bohème et de liberté une vie d’écrivaine, traitant notamment de la place des femmes dans le mouvement révolutionnaire russe.

Nik Cohn confie qu’à la fin de sa vie, dans sa quatre-vingt-seizième année, elle demanda à son fils de lui apporter des tirages d’elle, nue, que Raoul Hausmann avait signés.

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