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Thomas Ruff L’image photographique n’est-elle qu’un simulacre ?

Thomas Ruff cherche par son travail de mise hors contexte, son analyse des procédés propres à la photographie à montrer qu'il n'y a pas de "réalité réelle"

Thomas Ruff L’image photographique n’est-elle qu’un simulacre ?

Thomas Ruff ou de l’impossibilité d’enregistrer la « réalité réelle »

Thomas Ruff (né en 1958), a été l’élève de Bernd et Hilla Becher. Il a adopté de ses professeurs illustres la frontalité de la photographie et l’aspect « objectif ». Bernd et Hilla Becher sont des tenant de « la nouvelle objectivité » héritée du Bahaus, dont Laszlo Moholy Nagy est l’illustre représentant. Ce dernier pensait que l’appareil photographique serait susceptible de donner une vision objective et sans affect de la réalité.

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En effet Bernd et Hilla Becher dans leur archivage d’une certaine architecture industrielle promise à la disparition, pensait _en adoptant une méthodologie stricte_ donner une vision objective. Ils ont donc procédé à la sauvegarde photographique de châteaux d’eau et autres structures industrielles en respectant une méthode unique et rigide, à savoir clichés par temps gris afin d’éliminer toute ombre, frontalité, format constant et prise de vue en noir et blanc.

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Thomas Ruff dés ces premières œuvres fit sienne cette méthode. Mais d’emblée il introduisit un caractère fictionnel à son travail, soit en reprenant des procédés existants qu’il détourne, soit en réutilisant des images existantes.

Pour Thomas Ruff la manière « objective » héritière du Bahaus n’est au fond qu’un « style ». Ses anciens maîtres lui reprochèrent immédiatement de ne pas travailler avec des orignaux et de tomber dans le mimétisme. Or c’est précisément la marque de fabrique du travail de Thomas Ruff.

L’œuvre de Thomas Ruff reprend l’idée d’archivage et d’archéologie de l’image mais en insistant toujours sur la part d’équivoque de toute fabrication d’image. Une image ne peut être détachée des son texte historico culturelle comme du procédé qui a permis de la produire.

Thomas Ruff se penche donc sur une multitude de procédés de création d’images. A chaque fois il les décontextualise et montre que toute image est une construction, d’une certaine façon une fiction. C’est une démarche commune à beaucoup dans l’art contemporain.

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Les premières œuvres de Thomas Ruff sont par exemple la reproduction détournée d’éléments d’architecture banals, ou encore des clichés de photographies d’identité (1986/1991) géants à « voir » comme une négation de ce que devrait être un portrait, la représentation d’une personne. La série « Portraits » n’est qu’un style formel qui ne dit rien. Quant au contexte historique il n’est pas insignifiant puisque cette série a été crée à l’époque de la bande à Baader et du contexte hyper sécuritaire de l’époque. Depuis Thomas Ruff a exploré de très nombreux autres territoires. La série « Jpeg » procède par « collection » d’images internet décortiquées pour ce qu’elles sont en tant que support : un ensemble de pixels. Thomas Ruff en réduit donc la définition en les compressant en fichiers de 100k pour ensuite en faire d’immenses tirages abstraits mais lisibles à la « bonne » distance. La série « m.a.r.s » est constituée d’images de la NASA (en téléchargement libre) retravaillées pour en changer l’angle apparent de perception, l’angle de prise de vue.

On passe de panoramiques à des visions « perpendiculaires » à la façon d’une prise de vue standard. La série « Sterne » réutilise des images de télescope. La série « Cassini » est composée d’image se Saturne colorisées. La série P.H.G réinvente les photogrammes de Art Siegel en s’inspirant également de Laszlo Moholy-Nagy.

Mais Thomas Ruff ne procède pas manière traditionnelle en déposant sur la surface sensible des objets dont ne resteront que les ombres. Il crée tout un système à partir d’un logiciel 3D qui simule le procédé traditionnel. Le trait commun de toute ces séries est évidemment la mise en exergue du medium lui même. Ce qui est représenté devient annexe.

Pour parvenir à ses fins Thomas Ruff procède par « décontextualisation », emprunt, délégation, et réduction de l’image. Soit en exhibant le procédé en le réduisant à son plus petit dénominateur commun. Soit Thomas Ruff altère l’approche « objectiviste » en apportant un aspect esthétique étranger à l’intention initiale mais intiment lié au medium Thomas Ruff sait bien que la belle innocence de Moholy Nagy n’existe plus. Avec l’ère numérique le doute sur l’authenticité c’est généralisé et est devenu banal.

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Thomas Ruff cherche par ses distanciations au représenté et son analyse au plus près du procédé technique à définir ce nouveau statut de l’image foncièrement factice. L’on pressent chez Thomas Ruff un étrange attachement à une catégorie esthétique si discréditée de la « beauté » intrinsèque de toute image en tant que pur médium.

“Most of the photos we come across today are not really authentic anymore. They have the authenticity of a manipulated and prearranged reality. You have to know the conditions of a particular photograph in order to understand it properly.” _Thomas Ruff.


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