Ferdinand Hodler et Valentine Godé-Darel, l'amour, le peintre et la mort
Peintre majeur du symbolisme suisse, Ferdinand Hodler immortalise Valentine Godé-Darel dans une série poignante réalisée entre 1913 et 1915. Au-delà du portrait amoureux, c’est une œuvre unique sur la maladie, le deuil et la transcendance.


Dans l’histoire de l’art européen, peu de relations entre un peintre et son modèle ont été aussi intenses, à la fois sur le plan personnel et artistique, que celle qui unit Ferdinand Hodler (1853-1918) à Valentine Godé-Darel (1873-1915). Lorsqu’ils se rencontrent à Genève vers 1908-1909, Hodler est déjà un peintre reconnu en Suisse et dans une partie de l’Europe pour ses paysages monumentaux et ses figures allégoriques. Valentine, de 20 ans sa cadette, est une femme instruite, cultivée et indépendante, à une époque où cela reste rare pour une femme.
Très vite, elle devient sa maîtresse, sa confidente, mais surtout, sa muse. Si Hodler avait jusqu’alors peint des figures idéalisées dans un style symboliste marqué par la monumentalité et la symétrie, la présence de Valentine va initier un basculement. Leur liaison, passionnée mais discrète, annonce un changement de ton dans l’œuvre de Hodler : un passage du mythe à la chair, du général à l’intime.
Au-delà de son rôle de compagne, Valentine devient le centre d’une série de portraits parmi les plus bouleversants de l’histoire de l’art. D’abord représentée comme une femme jeune, calme, presque distante, elle est peinte dans des attitudes quotidiennes, loin des allégories habituelles de Hodler. La dimension humaine, sensible, gagne l’œuvre du peintre, qui semble trouver en Valentine une vérité nue, une forme d’authenticité nouvelle.
Mais cette évolution prend une tournure dramatique en 1913, lorsque Valentine est diagnostiquée d’un cancer utérin incurable. Hodler, loin de se détourner de la souffrance, prend la décision radicale d’en faire un sujet artistique à part entière, dans ce qui deviendra la série Valentine Godé-Darel.

La série Valentine Godé-Darel : chronique d’une agonie
De 1913 à 1915, Hodler réalise plus de 100 dessins, esquisses et peintures montrant Valentine alitée, souffrante, parfois inconsciente. Le regard du peintre se fait plus froid, presque médical, mais toujours empreint d’un amour silencieux. Ces œuvres constituent un journal visuel de la déchéance physique, mais aussi de la dignité face à la mort.
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