George Condo, le "Cubiste Psychologique"
George Condo développe depuis les années 1980 une peinture figurative qui hybride cubisme, expressionnisme et imagerie populaire. Ses portraits déstructurés explorent les états psychologiques par la déformation formelle.
Quelque part entre un Picasso déjanté et un dessin animé de Tex Avery passé par une crise existentielle, George Condo occupe une position singulière dans le paysage artistique contemporain. Ni tout à fait moderne, ni franchement postmoderne, cet Américain né en 1957 a réussi ce tour de force : faire du cubisme un outil d'introspection psychiatrique. Son vocabulaire artistique ? Le "Réalisme Artificiel" ou, mieux encore, le "Cubisme Psychologique". Comprenez : peindre non pas ce que l'on voit, mais ce qui se passe dans la tête de ce que l'on voit. Ambitieux programme pour un type qui a commencé sa carrière en imprimant des sérigraphies pour Andy Warhol.

Un parcours qui ne ressemble à aucun autre
George Condo n'est pas sorti d'une école des Beaux-Arts parisienne. Né à Concord, New Hampshire, il étudie l'histoire de l'art et la théorie musicale à l'Université du Massachusetts Lowell – une formation pour le moins atypique pour quelqu'un qui allait devenir l'un des peintres les plus cotés de sa génération. Mais c'est précisément cette approche analytique, presque musicale, qui structure son œuvre.
Avant de tenir un pinceau, Condo tient une guitare. Il joue dans un groupe punk, "The Girls", à Boston. L'énergie brute, la performance, l'urgence – autant d'éléments qui ne le quitteront jamais vraiment. En 1979, il débarque à New York sans plan de carrière mais avec une fascination pour la peinture classique et un désir viscéral de créer. Ce qui suit relève presque de la fable américaine, version art contemporain.

La Factory : école de commerce version Warhol
Entre 1981 et 1983, Condo devient imprimeur-sérigraphe pour Andy Warhol. On imagine mal meilleur apprentissage. À la Factory, il n'apprend pas seulement la technique – il observe comment l'art peut devenir une marque, comment le réseau fonctionne, comment la célébrité et la création s'entremêlent jusqu'à devenir indissociables. Warhol ne lui enseigne rien sur la peinture à proprement parler, mais tout sur le système qui la soutient. Une leçon que Condo n'oubliera pas.

Parallèlement, il s'immerge dans la scène bouillonnante du East Village. C'est là qu'il rencontre Jean-Michel Basquiat. Les deux hommes partagent un studio, s'influencent, débattent. Basquiat, déjà en train de devenir une comète, encourage Condo à peindre sérieusement. Cette amitié – aussi brève qu'intense – marque un tournant. Condo expose pour la première fois à la galerie Pat Hearn en 1983. La machine est lancée.
À cette époque, il côtoie Keith Haring et toute la scène alternative new-yorkaise où le graffiti, le punk et l'art conceptuel se télescopent joyeusement. Mais contrairement à Basquiat ou Haring, Condo ne fera jamais de street art. Son terrain de jeu, ce sont les musées. Et pour cause : ses références sont ailleurs.

Une "famille" artistique qui défie la chronologie
Si Condo fascine autant, c'est qu'il parvient à synthétiser des influences qui, a priori, ne devraient pas cohabiter. D'un côté, les Maîtres Anciens : Vélasquez pour la structure du portrait, Goya pour le grotesque et ces "peintures noires" où l'humanité bascule dans l'horreur, Rembrandt pour le traitement psychologique du sujet. De l'autre, le modernisme du XXe siècle, avec Picasso en figure tutélaire.
