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Piet Mondrian, un grand peintre figuratif

Piet Mondrian, la figure tutélaire de l’abstraction géométrique, a été jusqu'à la cinquantaine un peintre figuratif d'un talent exceptionnel

Piet Mondrian, un grand peintre figuratif

Piet Mondrian, de la figuration à l’abstraction sensible

Pieter Cornelis Mondriaan (1872/1944) « francisé » en Piet Mondrian, afin d’être plus aisément prononçable, a été jusqu’à un âge avancé un peintre figuratif engagé et talentueux. Cet aspect de sa carrière a été très largement minimisé par ses biographes et les critiques d’art. Ils ont préféré voir dans la longue période figurative de Piet Mondrian une lente évolution vers le dépouillement.

Or, non seulement le peintre néerlandais n’est devenu totalement abstrait qu’à partir des années 1918-1920, vers donc la cinquantaine, mais il a continué toute sa vie durant à exécuter des œuvres figuratives y compris après 1920, notamment en peignant chaque matin une fleur, comme il l’avait fait à ses débuts pour gagner péniblement sa vie.

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Par ailleurs, Piet Mondrian n’est pas arrivé à l’abstraction géométrique pure par réduction ou apurement mais en tenant en parallèle la démarche figurative, les expériences picturales inspirées des mouvements artistiques de l’époque, et des œuvres presque sans figuration à l’aspect parfois très ornemental.

En outre, l’instauration d’une peinture hors de la représentation du sensible vouée à l’exaltation de son « essence propre », c’est-à-dire son médium défini comme étant la planéité, la couleur pure, ne pouvait pas constituer en soi une fin pour Mondrian ou ses contemporains engagés dans la même voie spirituelle. Cette conception tributaire des années 1950, en particulier de Clement Greenberg est une forme courante d’anachronisme.

Rayonnisme et illumination théosophique

Ce qui a dicté la démarche de Piet Mondrian est sustenté avant tout par une vision « philosophique » du monde inspirée notamment de la théosophie. La théosophie est un syncrétisme qui prétend faire la synthèse des approches religieuses et philosophiques, tout spécialement néoplatoniciennes, à la recherche d’une forme d’universalité spirituelle et prônant la recherche de l’illumination, d’une expérience intérieure, susceptible de nous dévoiler (dans une union mystique) un « Esprit » partagé par Dieu et les hommes.

Piet Mondrian était donc en quête d’un moyen de rendre sensible cet universel, la quintessence supposée du monde spirituel partagé de manière transcendantale par toutes les créatures douées d’intelligence.

L’exposition au musée Marmottant retrace, à travers le cadre étroit d’une collection composée de quelques 70 pièces, le parcours sinueux du peintre, constitué essentiellement de cheminements entrecroisés et parallèles s’étirant des années 1891 à l’année 1919.

En effet, l’exposition au musée Monet est composée exclusivement des pièces accumulées par un collectionneur du nom de Salomon Slijper qui a accompagné et soutenu Mondrian depuis ses débuts durant plusieurs décennies.

On découvre alors un jeune peintre influencé sans surprise par la tradition paysagiste néerlandaise qui prônait une approche naturaliste et soucieuse du rendu atmosphérique. Il y a notamment, au tout début du parcours, un tableau de chasse de Piet Mondrian représentant un lièvre au réalisme saisissant issu tout droit des tableaux de genre du 17° siècle. La suite de l’exposition montre bien, par collections temporelles et thématiques, la constante qui a animé la démarche du futur instigateur de l’abstraction géométrique.

La Nouvelle Plastique

Piet Mondrian recherchait constamment une sorte d’au-delà du tableau, ou plutôt, de l’au-delà de l’imitation picturale du sensible. Plus que l’allégorie, qu’il n’a pas dédaigné dans ses différentes tentatives symbolistes inspirées de Munch ou des Nabis, ce que veut le peintre ce n’est pas une métaphore, mais une forme de révélation immanente qui soit propre au tableau. Une intention qui le conduira non pas à expulser le sensible mais l’imitation pour se concentrer sur une surface ne simulant pas le réel mais donnant l’évidence d’une forme sensible de l’universel, qui ne soit contenu dans aucune forme imitative ou décorative.