Les Tanagras, sensualité et délicatesse helléniques

Les Tanagras sont des des figurines en terre cuite de la Grèce antique. Elles connurent un immense succès au-delà de l'antiquité.

Les Tanagras, sensualité et délicatesse helléniques

Qu’est-ce qu’un Tanagra ?

Les figurines de Tanagra désignent des sculptures en terre cuite datant du IVe au IIIe siècle avant notre ère. Elles sont emblématiques de l’art hellénistique.

Ces figurines sont tout d’abord produites à Athènes vers la fin du IVe siècle avant notre ère. Assez rapidement elles seront exportées et imitées en Béotie, mais aussi dans d’autres grands centres de production notamment Alexandrie, Myrina et Chypre.

Qu’est-ce qu’un Tanagra ?.

les Tanagras sont redécouvertes à la fin du XIXe siècle et connurent un immense succès auprès de la bourgeoisie qui pensait voir se dévoiler un pan plus intimiste, privé et presque érotique de la culture de l’antiquité grecque.

C’est à l’Exposition universelle de 1878, que les productions de Tanagra sont révélées au grand public.

Cet engouement à non seulement alimenté une considérable production de faux mais a aussi définitivement altéré les sites archéologiques qui ont été pillées rendant la lecture de ces figurines délicate d’autant plus qu’elle furent alors ravalées au rang de simples bibelots.

Fonctions des Tanagras

Découvertes principalement à Tanagra, en Béotie, ces œuvres sont réputées pour leur réalisme et leur élégance.

Le terme “Tanagra” provient du nom de la ville de Tanagra en Béotie, où ces figurines ont été redécouvertes. La ville était un centre de production majeur de ces figurines en terre cuite, qui ont ensuite pris le nom de leur lieu d’origine.

Sites de fouilles importants:

Tanagra : Les fouilles à Tanagra ont révélé des centaines de figurines dans les nécropoles, confirmant leur usage funéraire et leur importance culturelle.

Myrina : En Asie Mineure, les fouilles ont mis au jour des figurines similaires, illustrant l’influence de Tanagra dans la région.

Alexandrie : En Égypte, les figurines de Tanagra ont été retrouvées dans des contextes funéraires, indiquant leur attrait universel.

5 fascinants portraits ou autoportraits de femmes
5 portraits de femmes idéalisées par des hommes ou des autoportraits sans concession de femmes peintres du 15° au 16° siècle.

Les figurines de Tanagra sont principalement des représentations de jeunes femmes, d’enfants, de jeunes mariées, de femmes enceintes et de domestiques. Elles mesurent généralement entre 10 et 30 centimètres de hauteur et sont fabriquées en terre cuite peinte. Les thèmes abordés reflètent la vie quotidienne, les rites de passage (puberté, mariage) et les rôles sociaux des femmes dans la société hellénistique.

Certaines de ces poteries représentaient également des acteurs du théâtre antique. L’affinité des Tanagras avec le culte de Dionysos — qui était intimement associé au théâtre — est caractéristique de ces figurines.

Tanagra à l'éventail.

Les figurines de jeunes femmes sont les plus courantes, souvent représentées dans des poses gracieuses et vêtues de chitons et d’himations, exprimant à la fois élégance et modestie.

Les statuettes de jeunes femmes sont les plus courantes, souvent représentées dans des poses gracieuses et vêtues de chitons et d’himations, exprimant à la fois élégance et modestie.

Les enfants sont rarement représentés seuls; ils apparaissent le plus fréquemment avec des femmes, symbolisant la maternité et l’éducation. Il y a néanmoins quelques exceptions remarquables.

Les jeunes mariées et les vierges sont représentées dans des tenues nuptiales ou dans des poses indiquant la pureté et l’innocence, reflétant les idéaux sociaux et culturels de l’époque.

Les représentations de femmes enceintes et de domestiques sont plus rares mais témoignent de la diversité des rôles féminins. Elles illustrent les aspects moins visibles de la vie quotidienne, tout en affichant le statut social du dévot ou du défunt.

Outre leur rôle funéraire, certaines figurines de Tanagra avaient probablement une fonction votive. Elles étaient offertes aux divinités en tant qu’actes de dévotion.

Ces figurines étaient déposées dans des sanctuaires ou des temples, symbolisant la piété et les espoirs des dévots.

Le fait qu’elles soient retrouvées en si grand nombre dans ces contextes suggère qu’elles servaient à établir un lien tangible entre les humains et les dieux, tout en assurant une protection divine.

Tanagras et figurines.

Nombre de ces poteries représentent des femmes voilées, drapées pudiquement quoique de manière parfois suggestive, la tête couverte.

On prête à cette figuration une signification religieuse se rapportant aux cultes dionysiaques. Certaines postures suggèrent qu’il s’agit de ménades, les suivantes de Dionysos.

Les cultes du dieu de la vigne, de la fête et du vin, des masques et du théâtre, de la libération et de la démesure, sont voilés par le secret.

C’est un dieu à la marge ! Les Mystères dionysiaques avaient une fonction initiatique complexe.

Tanagra au chiton.

C’est une des ambiguïtés des Tanagras.

Ils oscillent entre représentation de la vie domestique, la douceur de vivre, l’affichage de son rang social, de sa richesse et les lisières entre la vie normée de la cité et la folie orgiaque, les débordements des sens.

Quant aux femmes sagement assises ou immobiles, portant chiton et himation, elles sont la métaphore de la jeune fiancée destinée à être dévoilée par son époux.

Quelque fois elles font plus prosaïquement figure de « patriciennes » richement vêtues et pourvues d’un élégant éventail.

Cet aspect presque « bourgeois », voire prosaïque, est indubitablement ce qui a induit la bourgeoisie du 19° à s’enticher de ces figurines.

L’hédonisme des Tanagras est plus probablement une ode à la vie, à la jeunesse éphémère, une manière de conjurer les vicissitudes du quotidien et bien entendu la finitude de l’existence des mortels.

Les Tanagras.

Les figures les plus courantes de Tanagras:

  • La Dame au calathos représentant une femme coiffée d’un chapeau en forme de panier, cette figurine est typique de la mode de l’époque.
  • Les Tanagras des théâtres représentant des acteurs et des scènes théâtrales, soulignant l’importance du théâtre.
  • Les Tanagras funéraires qui étaient souvent placées dans les tombes pour accompagner les défunts dans l’au-delà.

Diffusion des Tanagras

Tanagra.

C’est l’usage, à partir du 4° siècle avant notre ère, du moule bivalve (emprunté aux bronziers) qui a contribué à la diffusion exponentielle des statuettes en terre cuite.

Cette innovation accompagnée de l’usage de pièces modulaires (têtes, bras, accessoires) permis à la fois de produire plus et plus rapidement mais aussi d’élargir le champ des représentations.

En outre, cette approche a permis aux artistes et artisans de parvenir à un plus grand niveau de détail du travail en ronde-bosse.

Les artisans ne se contentèrent donc plus de représenter les héros et les dieux mais abordèrent également le rappel de la vie profane.

Par ailleurs, les figurines de Tanagra apparaissent dans un contexte de prospérité et de développement culturel au cours de la période hellénistique. Après les conquêtes d’Alexandre le Grand (356/323 avant notre ère.), l’art grec s’est diffusé et enrichi au contact de diverses cultures.

Diffusion des Tanagras.

Elles se sont rapidement répandues dans tout le monde grec, y compris en Asie Mineure, en Italie et en Égypte, démontrant leur popularité et leur valeur artistique. Leur exportation a été facilitée par les échanges commerciaux et les relations culturelles de l’époque.

Elégances, sensualité et gracilité

Les figurines de Tanagra sont renommées pour leur réalisme et la finesse de leurs détails. Les artistes utilisaient des moules pour créer des figures en plusieurs parties, assemblées et peintes avec des pigments variés. Les drapés des vêtements, les coiffures élaborées et les expressions faciales sont rendus avec une précision remarquable.

Ces figurines sont marquées par une sensualité subtile, exprimée à travers des postures gracieuses et des vêtements ajustés. La représentation des corps féminins met en avant la beauté et l’élégance, caractéristiques de l’idéal esthétique grec.

Tanagras, Elégances, sensualité et gracilité.

La majorité des figurines de Tanagra représentent des femmes, soulignant l’importance de la figure féminine dans l’art et la société de l’époque. Elles offrent un aperçu des rôles sociaux et des standards de beauté féminins, reflétant à la fois la vie quotidienne et les idéaux esthétiques.


Le sourire dans les arts visuels
Le sourire n’est pas si fréquemment représenté que cela dans les arts visuels sa figuration plastique a connue bien des vicissitudes.

Les «Tanagras» modernes

Les figurines de Tanagra ont exercé une influence durable sur les arts plastiques, surtout après leur redécouverte au XIXe siècle.

Jean-Léon Gérôme : Cet artiste académique français a été inspiré par les formes classiques des figurines de Tanagra, intégrant des éléments de la sculpture antique dans ses œuvres.

Jean-Léon Gérôme, Tanagra.

Jean-Léon Gérôme

Lawrence Alma-Tadema : Connu pour ses scènes de la vie quotidienne dans l’Antiquité, Alma-Tadema a souvent représenté des figures rappelant les Tanagras, avec une attention particulière aux détails et à l’élégance des drapés.

Lawrence Alma-Tadema.

Lawrence Alma-Tadema

Pablo Picasso a été également influencé par les figurines de Tanagra, notamment durant sa période néoclassique dans les années 1920. A Vallauris, dans l’atelier Madoura, Picasso a créé des œuvres en céramique directement inspirées des Tanagras.

Picasso. Tanagras drapées, 1951/ 1948.

Picasso. Tanagras drapées, 1951/ 1948.

Henry Moore, célèbre pour ses sculptures modernistes, a également été influencé par la simplicité et le naturalisme des figurines de Tanagra. Moore appréciait particulièrement la manière dont ces figurines exprimaient le mouvement et la vie à travers des formes épurées et élégantes. Il a intégré cette influence dans ses représentations modernes de la figure humaine, cherchant à capturer la même essence de vitalité et de grâce.

Henry Moore. Draped Seated Woman, 1957-1958. Tate Britain.

Henry Moore. Draped Seated Woman, 1957-1958. Tate Britain.

Les figurines de Tanagra ont aussi trouvé leur place dans la littérature, symbolisant souvent la beauté et la simplicité de l’Antiquité.

Anatole France : Dans son roman Le Crime de Sylvestre Bonnard, France évoque les figurines de Tanagra comme des objets de désir et de contemplation, représentant un idéal esthétique intemporel.

Marguerite Yourcenar : Dans Mémoires d’Hadrien, Yourcenar décrit les figurines de Tanagra comme des témoins silencieux de la vie quotidienne et de la culture grecque, enrichissant le contexte historique de son œuvre.

Alaïa, Picasso,Tanagras.

Défilé Alaïa

Collections:

  • Le Louvre (Paris): Le musée du Louvre possède une vaste collection de figurines de Tanagra, exposées dans les salles dédiées à l’art grec.
  • Le British Museum (Londres): Le British Museum abrite également une collection significative de ces figurines, illustrant la diversité des styles et des techniques de fabrication.
  • Le Metropolitan Museum of Art (New York): Le Met présente des figurines de Tanagra dans sa collection d’art grec et romain, mettant en valeur leur importance culturelle et artistique.

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Les figurines de Tanagra offrent une fenêtre unique sur la culture et l’esthétique de l’époque hellénistique. Leur réalisme, leur sensualité et leur représentation détaillée de la figure féminine témoignent de la maîtrise artistique des sculpteurs de Tanagra. L’influence de ces œuvres s’étend bien au-delà de leur époque, inspirant des générations d’artistes et de créateurs, et trouvant une résonance particulière dans la littérature et les arts plastiques modernes..

Les Tanagras au Louvre


Le Tanagra Descendant l’Escalier

Aparté parfaitement subjective et incongrue !

« Cette version définitive du Nu descendant un escalier, peinte en janvier 1912, fut la convergence dans mon esprit de divers intérêts, dont le cinéma, encore en enfance, et la séparation des positions statiques dans les chronophotographies de Marey en France, d’Eakins et Muybridge en Amérique. Peint, comme il l’est, en sévères couleurs bois, le nu anatomique n’existe pas, ou du moins, ne peut pas être vu, car je renonçai complètement à l’apparence naturaliste d’un nu, ne conservant que ces quelques vingt différentes positions statiques dans l’acte successif de la descente. Avant d’être présenté à l’Armory Show de New York en 1913, je l’avais envoyé aux Indépendants de Paris en février 1912, mais mes amis artistes ne l’aimèrent pas et me demandèrent au moins d’en changer le titre. Au lieu de modifier quoi que ce fût, je le retirai et l’exposai en octobre de la même année au Salon de la Section d’or, cette fois sans opposition. (…) Je me sentais plus cubiste que futuriste dans cette abstraction d’un nu descendant un escalier: l’aspect général et le chromatisme brunâtre du tableau sont nettement cubistes, même si le traitement du mouvement a quelques connotations futuristes. » — Marcel Duchamp. Duchamp du signe. Écrits de Marcel Duchamp réunis et présentés par Michel Sanouillet. Collection Champs / Flammarion, 1994.
Marcel Duchamp, Nu descendant l’escalier.

Marcel Duchamp, Nu descendant l’escalier

Bien entendu il est totalement improbable que Duchamp ait pensé ou voulu évoquer un tangara dans ce tableau. D’autant plus que l’idée est de se distancier de la figuration et de toute forme de naturalisme. Pourtant le dandinement de la figure rappelle la grâce d’un Tanagra descendant l’escalier.

portrait de teresa Wilms Montt tenant un Tanagra par Julio Romero de Torres, 1920.

portrait de Teresa Wilms Montt tenant un Tanagra par Julio Romero de Torres, 1920 (en savoir plus).

Teresa Wilms Montt, un destin flamboyant et tragique
Teresa Wilms Montt, fut comme une comète au passage éblouissant. Ses textes à “l’intelligence sensible” exceptionnelle en son l’empreinte inaltérable.

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