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Anna Weyant et les loups de l'art market

Anna Weyant est une jeune peintre canadienne à la notoriété fulgurante. Sa démarche consiste dans une facture classique à dépeindre les "temps modernes"

Anna Weyant et les loups de l'art market

Anna Weyant, une biographie en forme de conte de fée

Anna Weyant est une artiste canadienne née en 1995. Après avoir obtenu un diplôme en arts plastiques section peinture (BFA) à la Rhode Island School of Design, elle s'installe à New York puis étudie la peinture à l'Académie des beaux-arts de Chine à Hangzhou. De son passage en Chine on peut immédiatement remarquer l'influence, entre autres, de Yue Minjun qui pratique une critique foncièrement Pop-Art de la société chinoise. Il est l'initiateur du réalisme cynique, un mouvement artistique particulièrement critique détournant le style réaliste socialiste au profit d'une subversion satirique et relativement désabusée.  Le travail, à la facture classique décalée, d'Anna Weyant oscille donc entre surréalisme, Pop-Art et peinture narrative, puisant son inspiration dans la culture vernaculaire, notamment les séries, films, publicités et l'univers des banlieues américaines.

Une ascension fulgurante

La cote sur le second marché de l'artiste canadienne a connu une prodigieuse progression. En 2019 Anna Wayant vendait ses œuvres à peine 400 dollars. Tout d’abord repérée par la galerie Blum & Poe elle accède au cercle fermé des galeries "bankable" et rencontre Larry Gagosian. Elle devient alors la plus jeune artiste représentée par la galerie éponyme. Dans un mouvement croisé plus ou moins vindicatif entre Blum et Gagosian sa côte connait une ascension vertigineuse.

Josephine

Une œuvre datée de 2020 intitulée Josephine, estimée lors de la vente nocturne du 27 avril 2022 chez Sotheby's Hong Kong à 250,000 - 450,000 HKD s'est arrachée finalement à 4,032,000 HKD. Toile provenant de la galerie Blum & Poe, Los Angeles, l'ex-galeriste de la jeune artiste.

Gossip

On "dit" dans le milieu de l'art (le plus élitiste) que Larry Gagosian, l'un des plus puissants galeristes du marché international, aurait rencontré la séduisante Anna Weyant en 2020, dans le cadre de tractations avec l'ex-galeriste de sa protégée. On susurre qu'ils auraient une "date". Larry Gagosian a officiellement admis vouloir protéger la jeune artiste des loups du marché de l'art, “I’m just trying to protect her from the big bad wolves,” The Wall Street Journal. Les paparazzi se réjouissent du potin et font les Unes de cette "affaire" du microcosme de l'art contemporain.

Falling Woman

Cette toile d'Anna Weyant était estimée chez Sotheby's entre 150,000 et 200,000$, elle fut vendue le 20 mai 2022 à 1.623,000$. Un record pour une si jeune artiste ! Le cédant n'a pas été clairement identifié. Certains disent qu'il s'agit de Blum & Poe.

L’âge d’or et la « Vie Moderne »

Anna Weyant
© Anna Weyant

De prime abord la facture d'Anna Weyant semble s'inspirer de l'âge d'or de la peinture flamande, par le naturalisme, le gout des détails, les tons parfois éteints, aux dominantes sépia, vertes et jaunes. Ce style néo-classique se retrouve chez de nombreux artistes contemporains qui l'utilisent par fascination pour un moment glorieux de la peinture, mais également par ironie. En effet, qu'il s'agisse de peintres tels que Michaël Borremans, Oda Jaune, Jean-Baptiste Boyer, Apolonia Sokol et bien d'autres peintres contemporains, le style est évidemment détourné et opère une sorte de rupture sémiotique. Le néo-classicisme ne répète pas le passé, il représente le présent. Ce seul fait provoque un premier décalage. Par ailleurs, ces artistes ont une approche conceptuelle de la facture. Les incongruités se révèlent rapidement. Le style ne colle pas au sujet. On oscille du surréalisme retors de Michaël Borremans, aux réappropriations de Boyer en passant par toutes sortes de glissements signifiants.

Chez Anna Weyant les fractures sémiotiques sont de l'ordre du grotesque contrôlé, induit par de nombreux détails prosaïques, discontinus, une main bandée, un sein bizarrement positionné. Des distorsions empruntées à Balthus et par conséquent aux maîtres du Quattrocento, mais aussi à John Currin (voir ci-dessous) qui voue un véritable culte à Lucas Cranach (voir ci-dessous), qui en pleine Renaissance restait très influencé par la stylisation gothique peu soucieuse de réalisme. Quant à Balthasar Kłossowski, dit Balthus, il jouait de poses inspirées de Piero della Francesca pour imprimer aux modèles un aspect hiératique, aux décors une théâtralité monumentale typique du Quattrocento (voir ci-dessous).

Balthus
Balthus & Frédérique Tison, 1956 | La semaine des 4 jeudis. 1949.

La peintre canadienne met ce "réalisme", comme pétrifié, au service de représentations très contemporaines abordant avec ironie, soit les dérives de la "vie moderne", soit un féminisme implicite rappelant par bien des points Cindy Sherman . Le travail de Cindy Sherman consiste à mettre en scène, par le grotesque, la dérision, les grandes représentations collectives de notre époque, touchant en particulier les questions de genres, de la figure, de la persona, des coercitions d'identité héritées du patriarcat et du capitalisme débridé, mondialisé. Cette démarche à l'ironie Pop-Art et post-moderniste se retrouve chez Anna Weyant.

Botticelli | Anna Weyant
Botticelli. Naissance de Venus, 1485 | Anna Weyant

Rire et Réalisme Sceptique

Anna Weyant a passé quelques mois en Chine pour se former. Or, une des grandes figures qui semble fortement influencer l’artiste n’est probablement autre que Yue Minjun (voir ci-dessous). L’artiste chinois n’a cessé de dénoncer de manière à peine voilée l’emprise du pouvoir en place. Il réutilise les traits les plus stéréotypés du Réalisme Socialiste, en le patinant de refèrences à l’art occidental, Goya, Warhol, etc. L’éloignement stylistique et le jeu des rappels historiques autorisent une ironie savante qui ne sombre pas dans le manifeste ouvert et plat.
Anna Weyant retient, notamment, un des "gimmick" de Yue Minjun, à savoir les fameux rires qu’arborent ses personnages, souvent dans les mises en situations les plus noires et désespérées. Le rire est à la fois moquerie du pouvoir et constat désabusé d’impuissance, de lassitude. La dérision hilare semble être le dernier refuge, l’ultime rébellion. Un déni de fragilité, un dernier acte de rébellion.
Anna Weyant peint de jeunes femmes à l'aspect fragile, aux bouches ouvertes. Elles crient, s’étonnent, se moquent ou rient. Elles sourient aussi. Elles semblent s’amuser de la situation, d’être peintes, du ridicule de la mise en scène circulaire, celle de poser pour être « réfléchies » par le peintre. C’est probablement l’aspect le plus fort et le plus intéressant du travail d’Anna Weyant.

Yue Minjun
© Yue Minjun

Anna Weyant
© Anna Weyant

Anna Weyant
© Anna Weyant
Anna Weyant
Anna Weyant dans son studio. Courtesy Gagosian gallery

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